Le Sanglier

Face à l’augmentation des populations de sangliers ces dernières décennies, les chasseurs prétendent effectuer une indispensable « régulation » de l’espèce.

Quelle est l’origine du développement
des populations de sangliers ? Quelles sont les nuisances occasionnées par cette espèce et comment s’en prémunir ? Est-il nécessaire de chasser intensivement les sangliers pour réduire leurs effectifs ?

Systématiquement décrit comme étant un animal peu sympathique, nous aurions tendance à oublier que le sanglier joue un rôle écologique complexe et important : il contribue à diffuser les spores et les graines, notamment lorsqu’il creuse, se frotte sur les arbres et se déplace. En grattant et retournant la terre, il introduit de l’humus dans le sol, aère la terre et lutte contre son tassement, ce qui favorise notamment la germination et facilite la pénétration de l’eau dans les sols.

Nous avons aussi constaté qu’en consommant les racines des arbres présentes en surface, le sanglier permet un meilleur développement des racines profondes, rendant les arbres plus résistants au vent. Il élimine également de nombreuses larves néfastes pour les arbres et cultures. « En Pologne, toute chasse au sanglier est interdite dès que certaines espèces de lépidoptères (insectes) se répandent. La menace que ces parasites représentent pour les arbres est alors efficacement écartée », indique M. Libois, scientifique de l’Université de Liège.

La raréfaction du « petit gibier », provoquée par l’agriculture intensive et le maintien d’une pression de chasse inadaptée à la dégradation constante des milieux naturels, a conduit nombre de chasseurs à s’orienter vers le « grand gibier ». Depuis les années 1970, ils ont organisé de nombreuses actions destinées à développer les populations de sangliers.

Aussi, durant les années 1980/1990, les chasseurs ont élevé et relâché des dizaines de milliers de sangliers dans la nature. Certains n’ont pas hésité à lâcher des cochongliers, croisement entre le cochon et le sanglier, afin d’obtenir une espèce très prolifique (causant, en outre, une grave pollution génétique). Cela a conduit à l’accroissement des densités locales de l’espèce, mais également à l’augmentation de son aire de répartition. Lors d’une enquête menée par l’ANCGG en 2009 auprès des chasseurs de « grand gibier », 48% d’entre eux ont reconnu que, malgré l’interdiction, des lâchers seraient encore pratiqués.

Dans le même temps, les chasseurs ont instauré les plans de chasse ou tirs limités et sélectifs, c’est-à-dire des quotas de tirs, et il est fréquent que soient tirés en priorité les jeunes et les mâles, afin d’assurer une bonne reproduction.

Dans de nombreux départements, en raison du regain d’intérêt pour cette espèce, le prix des actions de chasse est proportionnel à la densité de sangliers présents sur le territoire. Ainsi, les propriétaires sont incités à favoriser le développement des sangliers.

Le nourrissage et l’agrainage font également partie des principales causes de l’augmentation des populations de sangliers. En effet, chaque année, les chasseurs mettent à disposition des sangliers plusieurs milliers de tonnes de maïs, pommes, parfois melons. Toujours selon l’enquête menée par l’ANCGG en 2009 auprès des chasseurs, ces derniers ont classé le nourrissage/agrainage, réalisé par eux-mêmes, comme étant la première cause des fortes densités de sangliers.

Un processus d’indemnisation des dégâts aux cultures a été mis en place qui est géré par les chasseurs, dont la procédure est lourde et contraignante. Il est à noter que les prairies et pâtures ne sont pas remboursées.

La hausse des surfaces cultivées en maïs en France ces dernières décennies permet aux sangliers de trouver une nourriture abondante, et favorise leur survie et leur reproduction.

Les conditions météorologiques ont également un impact sur les populations de sangliers.

Les hivers et printemps plus doux provoquent une meilleure survie et l’apparition de populations de sangliers dans des zones d’altitude où ils étaient auparavant absents.

Il faut noter que les sangliers occasionnent deux principales nuisances qui sont facilement réparables voire évitables :

• Les dégâts aux cultures de maïs :

– La pose d’une clôture électrique autour des champs de maïs (et prairies) est très efficace.

– Il est conseillé de ne pas cultiver de maïs en bordure de forêts et de réserver ces espaces pour des jachères ou la culture de céréales peu appréciées du sanglier (cultures de dissuasion). Nous recommandons également de ne pas pratiquer l’agrainage, qui consiste à déposer en forêts du maïs censé maintenir les sangliers hors des cultures. En effet, la reproduction dépend directement de la nourriture disponible et cette pratique aurait, en outre, tendance à rendre les sangliers « accros » au maïs et ils seraient alors tentés de s’alimenter directement dans les champs.

• Les collisions routières :

– Il faut réduire la vitesse de son véhicule lorsque l’on traverse, la nuit, des zones forestières, ce qui s’avère efficace.

– S’il est fréquent de traverser, la nuit ou en période de chasse, des milieux forestiers, on peut équiper son véhicule d’avertisseurs sonores ou ultrasons anti-collision.

En outre, « la chasse provoque généralement une plus grande mobilité des animaux » (ONCFS, 2007), ce qui a pour conséquence d’accroître significativement le nombre de collisions routières avec des sangliers en période de chasse. Certains chasseurs prétendent qu’il s’agit d’une coïncidence avec la période du rut, mais la comparaison entre zones chassées et zones non chassées a confirmé que la chasse, en délogeant et affolant les animaux, est bien à l’origine de la recrudescence des collisions routières.

Notons également que des suivis par radio-télémétrie ont montré que la chasse de cette espèce provoque des concentrations dans les zones pas ou peu chassées. Or, ce sont précisément les concentrations de sangliers qui peuvent être à l’origine de nuisances. Contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire, chasser cette espèce pour limiter ses effectifs n’est pas une solution durable, l’opération étant à reconduire chaque année, et, surtout, s’avère inefficace, car les populations de sangliers ne diminuent pas malgré l’intensification des tirs, ce qui s’explique par deux phénomènes.

Comme énoncé précédemment : « la reproduction dépend principalement de la disponibilité des ressources alimentaires » (ONCFS, 2007). La nourriture étant très abondante, du fait notamment du développement des cultures de maïs et surtout du nourrissage volontaire, l’espèce reconstitue sa population d’une année à l’autre. En effet, une population bien nourrie verra augmenter le nombre de portées par an (deux au lieu d’une), le nombre de petits par portée (naissances et survie), la proportion de femelles gestantes et, enfin, l’âge de la première portée (à partir du 20ème mois normalement, passant au 12ème mois lors de la présence de ressources alimentaires abondantes).

Si pour la majorité des espèces la chasse conduit à une baisse de leurs effectifs, pour d’autres, et en particuliers les grands mammifères, leurs effectifs restent stables malgré l’augmentation des tirs. Les scientifiques nomment cela « l’effet de compensation », autrement dit face à une forte mortalité, l’espèce intensifie sa reproduction afin de compenser les pertes.

Le nombre de sangliers en France est estimé à 1 million et près de 500.000 sont tués annuellement. Il est donc aisé de comprendre qu’une harde de sanglier, lorsqu’elle voit son effectif diminuer de moitié en quelques mois, est particulièrement stressée face à cette perte artificielle anormale, qu’elle compensera en augmentant sa reproduction.

La densité de sangliers étant proportionnelle aux ressources alimentaires, la seule solution efficace pour limiter les populations de sanglier est de réduire la nourriture disponible. Pour cela, il est indispensable d’interdire toute forme de nourrissage/agrainage.

Il est aussi nécessaire de clôturer les champs de maïs, car « lorsque la nourriture en forêt n’est pas assez abondante ou attractive, il va la chercher dans les zones anthropisées » (ONCFS, 2007), c’est-à-dire les cultures. La nourriture diminuant, les sangliers réduiront leur reproduction, les individus les plus faibles de survivront pas, ainsi les populations diminueront et se stabiliseront.

La situation du sanglier est un exemple révélateur du caractère mensonger et malhonnête de l’argumentation des chasseurs qui déclarent « réguler » la faune et de leur prétendue « gestion » des animaux sauvages. Elle montre également la capacité du lobby à exploiter la méconnaissance de la faune et des pratiques des chasseurs ainsi que la peur (de l’envahissement, des collisions routières, etc.) ressentie par les Françai, afin d’introduire dans les esprits que la chasse serait « un mal nécessaire », à défaut d’avoir réussi à la faire passer pour une activité sympathique.

Alors qu’ils ont eux-mêmes organisé le développement des populations de sangliers (notamment par de nombreux lâchers), qu’ils maintiennent actuellement de fortes densités en les nourrissant/agrainant et qu’ils sont à l’origine de la recrudescence des collisions routières en période de chasse, les chasseurs osent se présenter comme des sauveurs, prétendant jouer un rôle d’intérêt général ; une véritable imposture qui s’apparente à celle d’un pompier pyromane.

De plus, leurs motivations pour chasser cette espèce ne relèvent aucunement des arguments qu’ils avancent, la chasse étant un loisir, une activité pratiquée uniquement à des fins ludiques.

La chasse n’a donc plus sa place dans notre société qui souhaite partager et diffuser les valeurs du respect de la vie et de la nécessité de respecter les milieux naturels et leur biodiversité. Dans le cas du sanglier, la chasse doit être remplacée par une instance départementale qui permettra d’établir, dans une approche pacifique d’accommodation des espaces naturels et de la faune, les conditions d’une harmonie entre la vie moderne et les espaces naturels et d’être le carrefour d’une représentation équilibrée des intérêts de l’ensemble de la population.