Le Loup

Le Canis Lupus Italicus est revenu en territoire Français via l’Italie naturellement, et ce, après 400 000 ans de présence et 60 années d’absence dues à son éradication. La première observation qui a officialisé son retour fut réalisée dans le massif du Mercantour (Vallon de Molière) en 1992. Le loup n’est pas présent par hasard et en se réappropriant des espaces naturels, il exerce son rôle salvateur et régulateur des milieux.

Pour son rôle écosystémique, il a été réintroduit en 1996 après son éradication dans les années 20 dans le parc de Yellowstone aux Etats-Unis, et sa présence a refaçonné le paysage. En effet, il oblige les herbivores à se déplacer, ce qui favorise la végétation : les prairies ont reverdi, les saules et trembles sont revenus, la proportion d’arbustes broutés est passée de 100% à 20%, les castors et certaines espèces de poissons ont profité de ce couvert pour habiter de nouveau le parc, et les oiseaux y retrouvent des endroits favorables à la nidification.

http://oregonstate.edu/ua/ncs/archives/2011/dec/yellowstone-transformed-15-years-after-return-wolves

Plus près de chez nous, les observations comparatives entre les zones « habitées » par le loup et les zones chassées où le loup est malvenu sont résolument frappantes. Dans le massif des Abruzzes par exemple, les observations montrent que l’ensemble de la faune dans les zones habitées par le loup présentent un état sanitaire très satisfaisant avec des signes de bonne santé psychique et physiologique identifiables, contrairement aux zones chassées, sans loup, où les animaux stressés et dérangés présentent des signes de faiblesse physiologique et des comportements anormaux de fuite liés au stress. En exerçant pleinement son rôle de prédateur naturel, le loup permet une excellente dynamique de ses proies.

Une étude2 en IDAHO (USA) a démontré que l’évolution de l’écosystème est positive, dès lors que la population de loups se rapproche de son seuil biologique maximum dans un espace donné.

D’autres études récentes tendent à démontrer la capacité des loups à reconstituer certains écosystèmes. L’alimentation du loup est directement liée aux ressources de ses biotopes.

L’analyse des crottes collectées dans les massifs des Monges, du Queyras, du Vercors, de Belledonne et de Maurienne ainsi que les suivis des meutes de Vésubie-Tinée et Vésubie-Roya, montrent que le loup se nourrit majoritairement de grands ongulés herbivores3. La part de prédation sur les animaux d’élevage varie suivant la quantité des ressources sauvages4.

Ainsi, les attaques de troupeaux sont significativement plus importantes lorsque la faune sauvage se raréfie (Source FERUS). Une étude5 de 3000 restes de repas en Allemagne montre que le repas du loup est composé principalement de chevreuils (55,3%), de cerfs (20,8%), de sangliers (17,7%), de lièvres (3%). 

La chasse, de plus en plus concentrée sur les grands ongulés, perturbe considérablement les possibilités de ressources alimentaires naturelles du loup. La réduction trop importante de ces ressources, constituées essentiellement d’ongulés sauvages, provoque immanquablement dans certaines régions un recours aux cheptels domestiques souvent laissés sans protection.

On assiste alors pour ce régulateur à de « l’over killing », une réaction intense suscitée par la confrontation à des proies faciles qui restent groupées et ne savent pas comment réagir du fait de leur domestication.

La prédation sur la faune sauvage est toute autre, seul un individu est tué en l’absence du reste de la harde, dont la fuite ne peut être contenue. Le loup et la meute ne se focalisent que sur cette proie.

Cette chasse naturelle du loup a l’avantage, contrairement à la chasse artificielle de l’homme, d’assurer à la faune sauvage un « retour » à un comportement espèce-proie profitable à son équilibre psychique. Ce sujet fait l’objet d’une sorte de bras de fer imbu de confrontations où se mêlent positions intransigeantes, pressions de type lobbyiste, intérêts corporatistes, suivisme politique, etc.; les naturalistes et le loup étant placés comme boucs émissaires d’une filière en perdition.

Nous remarquons que depuis 1993, le nombre d’ovins n’a cessé de décroître6 (depuis 1998 en PACA) de même que le nombre d’éleveurs, et parallèlement, nous constatons une forte progression des troupeaux dits volumineux de plus de 350 brebis (souvent de 3000 à 3500 têtes). Tandis que l’Italie et l’Espagne qui comptent environ 600 loups pour l’un, et 2000 pour l’autre, avec respectivement 7 et 14 millions de moutons, sont des pays « autosuffisants » en matière de consommation d’ovins (à hauteur de près de 70 % pour l’Italie et 116 % pour l’Espagne7). La France, avec 7 millions d’ovins8, et quelques 200 à 250 loups, importe 85 % de sa viande ovine. 

Si la prise en compte de la présence du loup a permis d’améliorer les conditions d’exercice du pastoralisme en apportant des financements et compensations des contraintes liées à la présence des prédateurs, la tendance est encore à l’abandon du gardiennage et à l’accroissement des troupeaux dans un système de « ranching ».

Il y a des antagonismes qui ne trouveront jamais leur équilibre et cela n’a rien à voir avec la présence du loup. Son bol alimentaire est amoindri par les plans de chasse, et à cela s’ajoute le dérangement et la perturbation apportés par les battues.

Le loup doit avant tout trouver son alimentation dans son milieu de vie pour ne pas se tourner vers les troupeaux. Il y a donc incompatibilité entre la pratique de la chasse et la préservation de la présence du loup. La première des mesures à prendre est donc de limiter voire de supprimer la chasse sur les zones de présence permanente (ZPP) du loup, afin de lui laisser la possibilité de jouer pleinement son rôle naturel.

Nous ne sommes pas opposés au maintien des activités pastorales, mais elles doivent pouvoir s’adapter à la présence du loup, et la difficulté est de parvenir à « conditionner » l’animal à respecter, dans toute la mesure du possible, les activités humaines. Nous connaissons les critères permettant une bonne gestion et le maintien de la sécurité du troupeau par le berger, il reste donc à trouver les moyens de limiter au maximum l’attraction du loup vers les cheptels domestiques. 

Les techniques basées sur l’effarouchement trouvent assez rapidement leurs limites et sont régulièrement détournées par l’animal. La destruction n’est pas la solution pour cette espèce « clef de voûte » des écosystèmes. 

Il s’agirait, en recensant études, compétences et procédés techniques, de trouver des voies efficaces et reproductibles permettant de faire apprendre au loup, dès la première tentative, à éviter les troupeaux. Ce point précis pourrait faire l’objet d’un colloque, à finalité pratique, rassemblant scientifiques, naturalistes, experts et « praticiens » du loup, afin de trouver des méthodes de « conditionnement » durables et transmissibles entre membres de l’espèce, et de les mettre en place.

Il est essentiel d’accepter que la question du loup (des grands prédateurs en général – LoupLynxOurs) fasse appel à l’intelligence et invite à croiser plusieurs champs de connaissances.

Pour parvenir à dénouer la complexité du problème, il ne faut ni exagérer ni réfuter les difficultés encourues et savoir analyser les rouages d’une instrumentalisation politique.

Conclusion : Elément de la biodiversité, comme n’importe quelle espèce, le loup n’est pas un mythe ni un animal nuisible, n’en faisons pas non plus un animal « sacré », mais simplement un exemple du combat mené pour la protection de la nature et de ses espèces constituantes.

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1 Geneviève Carbone éthologue spécialiste du loup, à l’origine de la première observation du loup en 92
2 Cogestion Intergouvernementale du Loup gris en IDAHO – Nicolas Barbier Docteur en géographie.
3 Les grandes proies sont récompensantes pour le Loup. Sangliers, mustélidés, marmottes, mésoprédateurs (renards, blaireaux) sont anecdotiques… mais aussi végétaux, baies…
4 La réduction des attaques sur les cheptels domestiques est inversement proportionnelle à l’agrandissement des individus de la meute !
5 http://2doc.net/13v4c
6 Etude Boust et Bastille 1999 et Tchakérian 2007
7 Institut de l’élevage 2012
8 Répartition : PACA – RHONES ALPES – Midi Pyrénées – Auvergne – Limousin – Bourgogne – Poitou Charente / INSEE 2012